« La réponse à la COVID-19 a été plus réactive que proactive de la part du Service correctionnel du Canada ». C’est le message que le président national d’UCCO-SACC-CSN, Jeff Wilkins, a livré hier lors de son passage devant le Comité permanent de la Santé dans le cadre de la séance d’information sur la réponse canadienne à l’éclosion du Coronavirus.
Pression syndicale
Au cours du dernier mois, UCCO-SACC-CSN, qui représente les quelque 7400 agents correctionnels dans les 49 pénitenciers fédéraux, a exigé une série de mesures afin de limiter la propagation de la COVID-19. La confirmation d’un premier cas à l’Établissement de Port-Cartier à la fin mars est venue accentuer l’urgence d’agir. « Nous avons rapidement exigé une protection supplémentaire sous la forme d’équipement de protection individuelle, que les mesures prônées par la santé publique soient appliquées à l’intérieur des établissements et que des tests de détection de virus soient disponibles pour tous les employé-es de première ligne. Depuis le début de cette pandémie, le syndicat a aussi demandé à participer au processus de planification des plans d’urgence. Malheureusement, dans de nombreuses institutions, les représentants d’UCCO-SACC-CSN n’ont pas été consultés. Ils l’ont été au moment où le virus était déjà dans les établissements », dénonce Jeff Wilkins. Heureusement, nous constatons depuis peu une diminution des cas positifs dans certaines institutions en raison des mesures qui ont été mises en œuvre.
Directives contradictoires
Depuis le début de la pandémie, chaque province a mis en place des mesures et des règles différentes pour la prise de tests, ce qui a engendré des solutions incohérentes pour nos membres à travers le pays. Dans certaines provinces les tests étaient effectués rapidement, alors que dans d’autres, il a été difficile pour nos membres de se faire tester. « C’est pourquoi UCCO-SACC-CSN a envoyé une demande au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile Bill Blair, lui demandant de fournir aux institutions un nombre suffisant d’ensembles de tests afin que nos membres puissent être diagnostiqués rapidement et systématiquement », note Jeff Wilkins. Les mesures de traçabilité des personnes infectées ont aussi été menées avec les différentes autorités de santé publique provinciales. UCCO-SACC-CSN a été témoin de directives contradictoires de la part du Service correctionnel concernant le rappel de nos membres qui avaient pourtant été avisés par la santé publique de s’isoler. Dans certains cas, ils ont été invités à se remettre au travail avant la fin de la période d’isolement de 14 jours.
Matériel de protection et désinfection
À ce jour, heureusement, l’ensemble des pénitenciers fédéraux ont reçu du désinfectant à main et des masques chirurgicaux destinés au personnel. Ces masques doivent être portés en tout temps par le personnel dès que la distanciation physique n’est pas possible. Du matériel de protection supplémentaire (visière, jaquette, masques N95) est aussi à la disposition des agents correctionnels qui doivent entrer en contact avec des détenu-es infectés ou asymptomatiques. Des protocoles de nettoyage, qui sont un outil important pour limiter la propagation virale, ont également été mis en place dans toutes les institutions. Cependant, ces protocoles ne sont pas gérés de manière cohérente; dans certaines institutions, des entreprises professionnelles ont été sollicitées, avec plus ou moins de succès, tandis qu’ailleurs, le nettoyage est toujours effectué par le personnel et les détenu-es.
Dépistage et traçage
Tout le personnel a été avisé de ne pas se présenter au travail s’ils présentaient des symptômes. Le traçage des contacts a lieu dès qu’un membre du personnel ou qu’un détenu-e signale ou présente des symptômes. Sur les conseils de la santé publique locale, ceux qui sont identifiés comme ayant été en contact étroit avec une personne symptomatique sont invités à rester à la maison et à s’isoler. Le problème demeure que les personnes renvoyées chez elles pour s’isoler ne sont peut-être pas symptomatiques et que les tests ne sont pas disponibles pour elles. Une fois qu’un membre du personnel est testé positif, il doit rester à la maison jusqu’à ce qu’il soit autorisé à reprendre le travail.
Actuellement, certains agents correctionnels guéris du virus retournent au travail.
Distanciation
« Nous savons que la seule façon d’arrêter vraiment la propagation de ce virus est de nous éloigner les uns des autres. Le problème est que sans changement important de routine, les détenu-es ne suivront pas les conseils de la santé publique et ne pratiqueront pas individuellement la distanciation sociale. Des changements de routine à des services importants comme la livraison de nourriture et la livraison de médicaments permettent aux détenu-es de s’isoler. Les changements de routine doivent être encore resserrés autour des loisirs et des mouvements institutionnels, afin de garantir le respect des consignes de santé publique, » note Wilkins. C’est certainement un aspect sur lequel UCCO-SACC-CSN travaille avec le Service Correctionnel du Canada. « Cependant, le SCC est très lent à apporter des changements qui permettent cela. Récemment, nous avons été informés qu’à certains endroits, il était prévu de reprendre les programmes institutionnels. Bien que les programmes aux détenus soient importants dans la réadaptation de la population carcérale, UCCO-SACC-CSN estime qu’il est prématuré d’entamer ce processus. »
Réaction trop lente
Le système carcéral canadien, comme la société en général, n’était pas prêt à faire face à cette pandémie. La préparation à ce virus nécessite une planification d’urgence approfondie. Dans ces plans d’urgence, toutes les mesures susceptibles d’atténuer les risques devraient être détaillées et devraient servir de guide « étape par étape » pour revenir à la normale. « Les agents correctionnels, qui travaillent en première ligne, sont d’une importance vitale dans ce processus, car ils sont les mieux placés pour évaluer les risques et les routines. La décision des gestions locales d’exclure les travailleurs de première ligne de ce travail d’analyse est un des problèmes majeurs de cette crise », explique Wilkins. « La victoire sur ce virus mortel nécessite non seulement un plan d’attaque proactif, mais aussi une réponse forte. Une réponse réactive et lente ne fait que mettre en danger le personnel, les détenus et le public », conclut Wilkins.